La chèvrerie du Marteroy
Une quarantaine de chèvres vivent toute l’année sur l’exploitation de Laetitia et Ludovic
Pâquerette, Sydney, Prune, Miss et les autres paissent tranquillement dans leur enclos à Jouarre. Les 41 chèvres du troupeau de Lætitia portent chacune un collier à leur nom et ont chacune leur caractère selon l’éleveuse. Miss en est la doyenne, le coup de cœur de Lætitia car première née sur l’exploitation. Bien qu’elle ne produise plus de lait, elle a le privilège de rester dans le troupeau. Les autres sont gardées plusieurs années puis sont placées chez des particuliers autant que possible, ou envoyées à l’abattoir. Chaque année, une dizaine de nouvelles chèvres intègre le troupeau, issue des mises bas qui ont lieu à partir de la mi-février.
Laëtitia et Miss, la doyenne des chèvres
Lætitia s’est lancée dans l’élevage et la production de fromage en 2016, avec l’aide de son époux Ludovic, déjà exploitant agricole. C’est pour elle une reconversion professionnelle qu’elle ne regrette pas, même si elle ne compte pas ses heures et nécessite une présence constante tout au long de l’année auprès des animaux.
Le quai de traite où les chèvres viennent se faire tirer leur lait tous les matins
La journée commence entre 6h et 7h du matin par la traite, les chèvres s’avancent à plusieurs dans la salle pour être traites par une machine. Chacune produit au maximum 3 litres de lait par jour durant le pic de lactation avant de diminuer progressivement leur production avant la période des chaleurs et la gestation, soit environ 80 à 120 litres de lait à transformer chaque jour ! Heureux gain de temps, la trayeuse actuelle est dotée d'un système de nettoyage automatique, ce qui n'était pas le cas de la première machine plus petite. Et cette étape est très importante puisque les fromages et yaourts de Lætitia sont au lait cru.
Les manchons trayeurs
Le lait est récolté au fur et à mesure dans la trayeuse
Les chèvres rejoignent ensuite le pré pour la journée, où elles broutent l’herbe. Le soir, elles retournent à la chèvrerie où les attend une litière propre et du foin de luzerne. Elles y passent aussi l’hiver à l’abri du froid et de l’humidité qu’elles craignent particulièrement. Leur nourriture, couplée au pré en été, provient presque exclusivement de la production familiale : foin de luzerne cultivée sans pesticides, fauchée trois fois par an par Ludovic, quelques « friandises » constituées de pois sec de maïs et de pulpe de betterave, pour leur intérêt nutritif. Les chèvres sont des animaux délicats selon Lætitia, mieux vaut prévenir les maladies. Elle leur donne des vitamines, des traitements antiparasitaires, et des branches de houx accrochées dans l’étable servent d’antifongiques naturels. Une prise de sang est aussi imposée tous les quatre ans par les autorités sanitaires pour détecter l’éventuelle présence de maladies (brucellose) dans le troupeau.
Pour donner du lait, une chèvre doit avoir des petits
Ludovic
Afin de limiter les investissements, Lætitia et Ludovic Louis ont fait beaucoup par eux-mêmes lors de la mise en place de la chèvrerie. Les bâtiments sont ceux d’une partie de la ferme familiale qui n’étaient plus utilisés, Ludovic est mis à contribution pour bricoler balustrades, « couveuses » pour chevreaux.
La chèvrerie où les chèvres se reposent la nuit
Photo (c) Chèvrerie du Marteroy
Une alimentation sélectionnée avec soin : maïs, betterave, etc.
Pour apprendre à transformer le lait de ses chèvres, Lætitia a suivi une formation en fromagerie durant une semaine sur place dans ses propres locaux. Cette formation était dispensée par la maison de l'élevage qui l'a aussi conseillée sur les travaux d'installation de la fromagerie et en a contrôlé la conformité.
Dans le laboratoire de fromagerie
La laverie du laboratoire
Après la traite, Lætitia commence le travail du lait cru immédiatement : encore chaud, il est plus riche et donc meilleur pour la transformation. Elle met le lait à cailler pendant 24 heures en introduisant du ferment et de la présure. Le lendemain, après la traite et la mise à cailler du lait du jour, (ça va, vous suivez ?) c'est l'étape du moulage : le lait de la veille qui a caillé durant 24 heures est moulé à la louche dans des récipients percés pour que s'égoutte lentement le petit lait. Et cette perte d'humidité est énorme puisqu'il faut 80 cl de lait caillé pour obtenir au final un petit (mais délicieux!) crottin !!
Pas de sieste l'après midi, car le même jour, à 16h, Lætitia retourne chaque moule puis effectue le salage de la surface visible.
Le lait caillé s’égoutte lentement dans les moules
Le 3e jour, après les opérations de traite, de caillage du lait du jour et de moulage du lait de la veille (vous suivez toujours ??) les crottins moulés et salés la veille sont démoulés sur une grille ce qui permet le salage de la 2e surface. Puis ils partent au séchage dans un séchoir dont le taux d'humidité et la température sont précisément contrôlés. A la sortie, les crottins sont tous frais. Certains seront aromatisés (poivre, échalotes, herbes...) le jour même de leur vente, d'autres seront gardés natures. Enfin, ceux qui sont plus affinés passeront quelques temps (un mois maximum) en chambre froide entre 12 à 14°, tout comme les tommes.
Les crottins frais en cours d’affinage dans le séchoir
En termes de quantité, Lætitia produit donc un maximum de 100 crottins par jour vers les mois de mai et juin (lors du pic de lactation des chèvres), environ 70 à 80 crottins par jour en été, et seulement 15 à 20 par jour en décembre lorsque la production de lait est au plus bas. C'est pour cette raison notamment que les tommes sont plutôt réalisées en début de saison lorsque la production de lait est à son maximum et qu'il est très riche. Et avec sa yaourtière, Lætitia réalise également une soixantaine de yaourts par semaine pour la vente directe à la ferme et le marché de Coulommiers.
A la chèvrerie, chaque chèvre porte un petit prénom
En effet, après les soins aux chèvres, la traite, la transformation du lait, le travail de Lætitia est loin d'être terminé : comme la plupart des petites exploitations à échelle humaine, la vente directe est indispensable pour s'en sortir au niveau des revenus, sachant que pendant 3 mois, de janvier à mars, les chèvres ne produisent plus de lait, donc Lætitia ne vend aucun fromage et ne perçoit aucun revenu, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas de travail pour autant !
Neuf mois sur douze, elle ouvre sa petite boutique à la ferme le mercredi et le samedi et on la retrouve tous les dimanches matins au marché de Coulommiers où elle vend environ 30% de sa production à une clientèle dont les deux tiers sont des fidèles. C'est d'ailleurs en goûtant ses fromages au marché qu'une première AMAP a fait appel à Lætitia pour un contrat. Notre AMAP a eu également cette possibilité grâce au fin palais de Philippe, notre actuel président !
Photo (c) Chèvrerie du Marteroy
Les autres jours de la semaine, pas de répit, Lætitia livre ses quatre AMAP, avec des crottins frais de la veille, des crottins affinés et des tommes selon les commandes de chacun. S'y ajoutent également la livraison de quelques magasins dans les environs, et les marchés de La-Ferté avec les autres produits de la ferme familiale.
Et pour finir, le petit conseil de Lætitia pour bien conserver vos fromages de chèvre avant dégustation : enlevez le papier surtout pour les crottins très frais et placez-les de préférence dans le bas du réfrigérateur, sur une assiette, surtout pas dans une boîte fermée. Les affinés peuvent prendre place dans un petit garde-manger uniquement si la température ambiante est suffisamment fraîche (12 à 14°). Bonne dégustation !
Reportage: Anne-Lise L., Virginie A. Photos : Isabelle C.
Août 2022
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